Cet article présente le point de vue de l’auteur et ne représente pas forcément celui d’EcoGeste.ch.

Dr Isabelle Chevalley, coordinatrice de Sortir du nucléaire

La dernière trouvaille du lobby nucléaire, c’est de nous expliquer que l’énergie nucléaire n’émet pas de CO2. Mais les différentes études donnent des valeurs fort dissemblables pour les émissions de CO2, allant de 4 g (CO2-éq)/kWh à 285 g (CO2-éq)/kWh. Pourquoi de telles variations ?

Cela dépend des paramètres pris en compte. Pour être tout à fait honnête, il faudrait tenir compte de:

  • la teneur en uranium du minerai utilisé (elle varie d’une mine à l’autre);
  • la manière d’enrichir l’uranium (diffusion gazeuse ou centrifugation);
  • la source d’énergie pour l’enrichissement;
  • la construction de la centrale;
  • la démolition de la centrale;
  • la gestion des déchets.

La teneur en uranium fissile dans une mine est ainsi un paramètre important. Plus la teneur du minerai est faible, plus son extraction sera compliquée et nécessitera plus d’énergie. Or, comme dans le cas du pétrole, ce sont les mines où le minerai d’uranium le plus concentré qui sont exploitées et donc épuisées les premières. Le coût d’exploitation financier et énergétique des mines d’uranium va donc monter en flèche. Le prix de l’uranium a déjà décuplé sur le marché mondial. Dire qu’il n’y a là que manoeuvres de spéculateurs, après avoir dit pendant des décennies, comme pour le pétrole, que les réserves sont énormes et qu’une augmentation des prix est impossible, c’est continuer à mentir. La réalité est plus simple: une réserve, ça s’épuise, en quantité et en qualité.
Dans le cas du processus d’enrichissement de l’uranium, la technique de la diffusion gazeuse nécessite 50 fois plus d’électricité que la technique de centrifugation.
Une autre influence importante pour l’émission totale de CO2 est donnée par la production d’énergie pour l’enrichissement de l’uranium. Aux États-Unis, la plupart des usines d’enrichissement utilisent de l’électricité qui provient des centrales à charbon, alors que la France utilise des centrales nucléaires. Il est évident que le bilan CO2 ne sera pas le même.
Le problème des déchets est bien connu, ce qui est moins connu est la consommation d’énergie (et donc la production de CO2) pour leur gestion. A l’époque, les promoteurs du nucléaire garantissaient une solution rapide pour l’élimination des déchets. Les différents essais qui ont été réalisés afin de diminuer ou d’annuler la radioactivité des déchets montrent que cette technique utilise beaucoup d’énergie, cela diminuerait d’autant le bilan énergétique final de l’énergie nucléaire.

Ces réflexions montrent bien qu’il n’est pas possible de donner une seule valeur d’émission de CO2 par kWh nucléaire, parce que cette valeur serait très certainement fausse. Ce qui serait correct, c’est de fournir une fourchette suivant les différents paramètres pris en considération.

Une chose est certaine: le nucléaire émet des gaz à effet de serre considérables et, pour les motifs cités plus haut, cela ira en s’aggravant.
Et si vous pensez qu’il est possible de remplacer le pétrole par du nucléaire, sachez qu’il faudrait construire plus de 10’000 grosses centrales nucléaires pour y parvenir. Aujourd’hui, nous n’avons pas plus de 450 centrales qui peinent à fournir le 3% de toute l’énergie consommée mondialement, et leur nombre est en constante diminution. Ajoutez à cela que les réserves d’uranium sont estimées à quelques dizaines d’années seulement, il n’y a pas besoin d’avoir fait beaucoup d’études pour s’apercevoir que ce n’est pas la solution.

Et d’ailleurs, où mettrait-on toutes ces centrales? en Iran?

Le soleil nous envoie en une heure l’énergie que l’humanité consomme en une année, qui parle de crise énergétique ?

http://www.sortirdunucleaire.ch